mercredi 30 janvier 2013

Commémoration de la Shoah : une problématique nouvelle ? |


Lundi 28 janvier 2013 a eu lieu à l’UNESCO, comme dans bien d’autres endroits du monde, une cérémonie en commémoration de la Journée internationale des victimes de la Shoah (International Holocaust Remembrance Day, nous gardons l’usage français de « Shoah » au lieu de « Holocauste »). Cette année, le thème mis en exergue était le sauvetage.

Richard Prasquier

« Il reste beaucoup de travail à faire pour les ouvriers de la mémoire »

Proposée par le Conseil de l’Europe en 2002, cette journée commémorative a été instituée par la résolution 607 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée le 21 novembre 2005, l’année du 60e anniversaire de la fin de la guerre, et donc de la fin du génocide (rappelons-nous que le terrible camp de travail de Mauthausen ne fut libéré que le 6 mai 1945).

Le 27 janvier 1945 fut la date de la libération du camp d’Auschwitz Birkenau par l’armée soviétique. « Libération » est  un terme partiellement impropre, car il ne restait alors dans le camp qu’un petit nombre de prisonniers, essentiellement des malades (Primo Levi était parmi eux) alors que les autres déportés mouraient alors en masse au cours des épouvantables Marches de la Mort.

Le Président bulgare, M. Plevneliev et le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon ont, entre autres, participé à l’émouvante cérémonie organisée à l’UNESCO. Serge Klarsfeld a décrit avec des mots simples et forts ses souvenirs personnels. À entendre les intervenants, on pouvait être sûr que le travail de mémoire sur la Shoah, laquelle, comme l’a dit la Directrice générale de l’UNESCO, Mme Bukova, interpelle dans son tréfonds l’humanité tout entière, a bien porté ses fruits.

Il y a des signes cependant pour penser que les obstacles à l’enseignement de la Shoah vont se multiplier, ou pour le moins que la problématique est en train de se modifier devant nos yeux.

1° Disparition des déportés, dont un nombre très réduit garde aujourd’hui les moyens de se déplacer à Auschwitz et de témoigner directement de ce qui s’y est passé (tout en sachant, comme l’a dit Primo Levi, qu’ils ne sont pas entrés eux-mêmes dans le « ventre de la Gorgone »).

Les derniers témoins seront ces dizaines de milliers d’orphelins, enfants cachés et traqués pour la plupart, dont beaucoup sont des militants admirables de la mémoire. L’empreinte est restée brûlante du drame qui a disloqué leur enfance, mais ils n’ont pas connu les lieux où l’assassinat fut une industrie.

2° Passage de génération: les enfants des victimes, comme ceux des coupables et des témoins prennent aujourd’hui leur retraite. Les petits-enfants, et bientôt la quatrième génération, ne poseront peut-être pas les questions angoissées qui ont taraudé leurs aînés, et où l’évocation du crime refoulait les fantasmes contre les Juifs.

3° Disparition de la référence temporelle et du balisage historique dans un monde de l’immédiat et du simultané où l’ancien ne fait sens que s’il se plaque à l’actuel. La culture du palimpseste est la porte ouverte aux manipulations, aux approximations et aux amalgames.

4° Dévalorisation des experts dans la démocratie du web où chacun peut choisir l’opinion qu’il préfère, comme on choisit n’importe quel bien de consommation.

5° Diffusion massive d’un antisémitisme délirant là où on n’avait pas l’habitude de le rencontrer, se propageant dans certains secteurs du monde musulman et salissant l’image de l’Islam. L’un de ses objectifs est de « tuer la Shoah », laquelle serait une arme inventée par Israël et les Juifs pour culpabiliser le monde en faisant oublier leurs propres méfaits. Rien d’étonnant à cela, ajoute-t-on, puisque l’ignominie des Juifs serait inscrite dans les Livres saints. La haine des Juifs n’est pas l’apanage d’un Mohamed Merah, de certains terroristes ou de prédicateurs salafistes marginaux. Elle a été exprimée par d’importants responsables des Frères musulmans. Elle se trouve en filigrane dans certains textes très officiels de l’administration palestinienne et nous avons vu, la semaine dernière, un organisme palestinien de défense des Droits de l’Homme très officiel minimiser la Shoah.

6° Fixation psychopathique envers Israël, dont témoignent en ces jours de commémoration les déclarations d’un obscur député anglais ou une caricature particulièrement abjecte du Sonday Times. Impossible de relever ici, tant elles sont nombreuses, les occurrences de la nazification d’Israël produites dans les médias par des individus qui vont ensuite jurer leurs grands dieux que nul ne peut les soupçonner, eux, d’être antisémites. Il n’importe pas qu’ils le soient ou non. Ils sont les fourriers du retour moderne du refoulé : « Les Juifs, c’est vrai qu’ils ont souffert. Ils savent d’ailleurs pleurer sur leurs malheurs. Mais pourquoi font-ils exactement la même chose, ou encore pire, aux Palestiniens ? ». Voilà le « nouvel » antisémitisme et l’appui qu’il prend sur la Shoah.

7° finalement, l’aspiration universaliste et ses ambiguïtés. Lorsque le président Obama en se réfère dans son communiqué  commémoratif aux six millions de victimes juives de l’Holocauste et aux millions de victimes innocentes de la guerre, il n’y a rien à lui reprocher du point de vue historique, ni du point de vue compassionnel, car une victime, quelle qu’elle soit, est une victime avec son poids de souffrance qu’il n’y a pas à soupeser ou à comparer. Mais lorsque collectivement la Shoah est rangée au rang des autres victimes de la guerre (autrement dit, celles des bombardements, etc.), le message de la Journée de commémoration de l’Holocauste est perdu. Et avec cette perte, c’est la terrible leçon pour l’humanité qui risque de disparaître dans un unanimisme égalisateur, rassurant et faussement humaniste.

Il reste beaucoup de travail à faire pour les ouvriers de la mémoire. Ce travail devra se renouveler en fonction de la nouvelle situation. Car la mémoire fait partie de l’avenir autant que du passé.

Richard Prasquier
Président du CRIF

Avoir le courage d’aider : le sauvetage pendant l’Holocauste » - Maison de l’UNESCO, Paris France


La Journée internationale dédie à la mémoire des victimes de la Shoah a été marquée à Paris, le 28 janvier 2013, par une manifestation entrant dans le cadre des Nations Unies, organisée à la Maison de l’UNESCO.
« Il y a un immense travail de mémoire qui a été entrepris depuis longtemps, mais une grande vigilance sera toujours requise »

M. Adama Dieng, secrétaire général adjoint des Nations-Unies, en charge de la prévention du génocide est intervenu, à cette occasion. Voici des extraits de son allocution.

« De l’enseignement de l’Holocauste à la prévention des  génocides : qu’avons-nous appris du passé ? »  Par M. Adama Dieng, Secrétaire général adjoint, Conseiller spécial pour la prévention du génocide

« Il y a 68 ans, des hommes porteurs d’une idéologie justifiant à leurs yeux que certains de leurs congénères ne soient considérés ni comme leurs égaux ni même dignes de vivre à leurs côtés, simplement du fait de leur race ou de leur religion, ont préconisé leur éradication de la terre. Cette opération de destruction était ambitieuse. Pour cela ils l’avaient baptisée « solution finale ». Ce fut un échec. Malgré l’extermination de 6 millions d’individus, le Peuple juif a survécu, et avec lui une Nation, ce « commun vouloir de vie commune » pour paraphraser Léopold Sédar Senghor. Mais le mal dont la « solution finale » était porteuse a bien frappé. Des millions de vies humaines ont été détruites et des survivants meurtris auront porté et portent encore, à jamais, les stigmates de cette horreur.

En novembre 2012, j’ai visité le mémorial de la Shoah à Paris. J’ai parcouru le mur des noms avec beaucoup d’émotion. Mais je l’ai quitté avec un sentiment d’insatisfaction, frustré de n’avoir pu lire tous les 76 000 noms de victimes du nazisme gravés dans la pierre. J’aurais bien aimé communier avec chacun de ces 11 000 enfants, enfants d’Auschwitz ou de Sobibor, qui ont été privés d’avenir au  mépris de leur innocence, et ce par d’autres humains, gagnés par la folie de l’extrémisme et du fanatisme. Ce mur reste néanmoins, l’un des symboles forts de la préservation de la mémoire, face au « temps assassin qui emporte avec lui le rire des enfants », comme disait Renaud dans « le mistral gagnant ».

68 ans, c’est à peine un clin d’œil dans le cycle d’évolution des sociétés. Cependant, cette durée, rapportée à l’échelle de vie individuelle n’est pas négligeable. 68 ans c’est le troisième âge. La mémoire traitresse et évanescente nous fait des infidélités, nous privant ainsi du récit viva voce de certains détails de l’horreur des camps, que ni les livres d’histoire, ni même les vidéos ne sauraient remplacer.

Il y a quelques années nous avons vu passer les derniers poilus, symboles vivants d’une détresse humaine antérieure. La dégénérescence physique inéluctable les avait déjà rendus inaudibles avant même qu’ils ne s’effacent. Ce moment arrivera aussi, dans deux décennies ou trois au plus, où nous serons privés de ce témoignage toujours poignant des victimes de l’holocauste. J’évoque cette échéance avec angoisse, parce qu’il faut conjurer la menace de l’oubli.

L’oubli ! Ce mot est très chargé et parfois ambivalent. Après avoir vécu l’horreur, ou simplement la douleur, l’oubli nous permet de sortir du traumatisme et de nous reconstruire. Cependant cette thérapie individuelle doit se conjuguer avec la nécessité absolue de maintenir vivace la mémoire de l’innommable ; mémoire sans laquelle les humains seraient voués à répéter les horreurs du passé.

Il y a un immense travail de mémoire qui a été entrepris depuis longtemps, mais une grande vigilance sera toujours requise. La documentation systématique en est un aspect important. Mais il faut aussi se garder d’entretenir une mémoire qui se refroidit, un souvenir désincarné. Ce danger nous guette à mesure que le temps passe. À ceci s’ajoute que nous vivons dans un monde où la frontière entre le virtuel et le réel s’efface. La filmographie de la Shoah, qui a joué un rôle essentiel dans la préservation de la mémoire, n’échappe pas elle-même à ce danger. Nous avons donc le devoir de nous assurer que les symboles émouvants des chambres à gaz ne se pétrifient pour ne nourrir ultérieurement que des postures idéologiques. Les récriminations presque unanimes contre de récentes dénégations révisionnistes de la Shoah, proférées dans certains milieux, sont rassurantes. Mais la garde doit rester haute à cause de la faculté de distanciation des humains avec les horreurs du passé. Lorsqu' on évoque aujourd’hui la question de l'esclavage ou le massacre des Indiens d'Amérique, ou encore plus loin, lorsqu'on parle des guerres de religion qui ont presque dépeuplé l'Europe au moyen âge, la charge émotionnelle n'est pas la même que quand on évoque des évènements tragiques de moindre ampleur, mais qui nous sont contemporains. Édith Piaf a eu bien raison de se désoler dans sa chanson "miséricorde". Elle a beau s'agripper désespérément au souvenir de l'odeur de la veste de son bien aimé disparu quand elle dansait contre lui, mais elle sait que la vie "est si moche, que même ça elle va l'oublier".

Après 1945, l’humanité s’était écriée « plus jamais ça ! ». Puis nous avons vécu les camps de la mort au Cambodge, Srebenica et  les 100 jours du génocide tutsi au Rwanda. Encore plus près de nous, la furie meurtrière est en œuvre en Syrie avec plus de 60 000 morts, en majorité des civils, dont des femmes et des enfants, en plus du risque de voir bientôt des minorités religieuses ou ethniques ciblées de façon plus systématique.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’humanité est incapable de tirer les leçons du passé, et que par suite, elle serait condamnée à répéter périodiquement les mêmes erreurs, les mêmes horreurs. Je suis plus enclin à croire que l’ « humanité » en tant que concept est une réalité plus complexe que ce nous postulons, c'est-à-dire des individus avec un niveau d’information et de culture homogène qui transcende l’espace et le temps. La réalité plus triviale nous enseigne que le sniper ou le milicien qui a sévi dans les collines de Cyangugu, n’est pas surement dépositaire du lourd héritage d’autres humains dans d’autres parties du monde. Les dirigeants, qui souvent portent la responsabilité des guerres, sont sans doute informés de la marche du monde et des horreurs qui se passent dans d’autres contrées. Mais les passions et les ambitions prennent souvent le dessus sur ce qui n’est perçu parfois que comme le malheur des autres. En définitive, nous vivons dans un monde très globalisé et qui paradoxalement, souffre de ne pas être intégré davantage. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un monde tellement confraternel que l’indigène vivant dans les recoins de la forêt amazonienne soit sensible au drame humain survenant sur les hauteurs de l’Himalaya. C’est à ce prix que le terme « humanité » recouvrira la plénitude de son sens.

La tâche d’information, d’éducation et de sensibilisation requises pour un tel idéal est certes gigantesque, mais nous n’avons d’autre choix que de nous y atteler sans tarder.

En reconnaissant l’échec de l’Organisation des Nations Unies dans la prévention des génocides au Rwanda et en Bosnie, Kofi Annan avait lancé en 2004 un plan d’action  pour la prévention de ce crime immonde. Ce plan inclut, entre autres, l’établissement du poste de Conseiller spécial pour la prévention du génocide. En coopération avec le Conseiller spécial pour la responsabilité de protéger, nous nous occupons de prévenir des crimes d’atrocité, y compris le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, ainsi que leur incitation.

Mon bureau dispose d’un mandat global. Il recueille et analyse l’information sur des situations à risque partout dans le monde.  Nous utilisons cette information pour analyser des cas spécifiques et, lorsque nous jugeons qu’il y a un risque de crimes d’atrocités, nous alertons le Secrétaire général et mobilisons les différents organismes des Nations Unies pour mettre en place des mesures de prévention.  De plus, mon bureau s’occupe du renforcement des capacités de prévention des Nations Unies, des États membres, des mécanismes régionaux et sous-régionaux ainsi que de la société civile.  Enfin, nous sommes chargés de promouvoir le concept de la « Responsabilité de protéger », et de faire jour sur les causes et dynamiques du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité.

Les crises en République centrafricaine, en République Démocratique du Congo, en Syrie, au Mali et au Soudan, nous rappellent de façon tragique l’ampleur de la tâche de prévention des crimes horribles.  Même si mon bureau tente de faire face de façon quotidienne aux défis de la prévention des crimes d’atrocité, nous ne pouvons agir seuls.

Le travail de prévention a besoin du soutien et de l’engagement de la communauté internationale, et en particulier des États membres qui sont les premiers responsables de la protection de leurs populations. Nous sommes en train de développer un partenariat avec l’UNESCO pour inclure l’éducation à l’Holocauste et à la prévention du génocide dans les curricula scolaires.  Cette éducation sera un élément fondamental dans la promotion des droits de l’homme, des libertés fondamentales, de l’état de droit, et des valeurs de tolérance et de respect.

Les organisations de la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, les centres de recherches et les universités, les groupes de femmes et de jeunes, disposent de nombreux moyens pour contribuer aux efforts globaux de prévention des crimes d’atrocité.  La société civile ainsi que la communauté internationale seront les sentinelles vigilantes pour s’assurer que les gouvernements se hissent à la hauteur de leurs responsabilités quand des populations sont exposées à des risques d’atrocité.  Ces organisations peuvent aussi sensibiliser, éduquer et mobiliser les officiers gouvernementaux pour la mise en œuvre de leur obligation de protection.  Des mécanismes pour la prévention des crimes d’atrocité pourraient être mis en place, en collaboration avec les gouvernements.

Nous convenons tous que l’éducation à la tolérance et au respect  de la diversité est la clé pour la prévention. Cette noble mission se heurte souvent au fanatisme, à la passion et à l’ambition des individus. Mais nous savons heureusement que les peuples éduqués et sensibilisés savent s’ériger en rempart pour défendre leurs valeurs. Agissons donc ensemble pour faire triompher nos valeurs communes. Elles ont pour nom respect de la vie, respect de la différence. C’est à ce prix que nous pourrons, à l’occasion de journées de commémoration comme celle qui nous réunit aujourd’hui, regarder un passé hideux avec la pleine conviction qu’il ne se répètera pas. »

Discours de Serge Klarsfeld, président des Fils et Filles des Déportés juifs de France à l’UNESCO, le 28 janvier 2013 | Crif - Conseil Représentatif des Institutions Juives de France



J’ai été pendant la guerre un de ces enfants que la Solution finale de la Question juive convoitait pour remplir ses chambres à gaz et pour alimenter ses fours crématoires. Nous, les enfants survivants, y avons perdu qui un père, qui une mère, des frères, des sœurs ; parfois même père et mère et frères et sœurs. Pendant des années, des décennies, nous avons rêvé des absents, tenté de combler ce vide immense et de reconstruire une vie normale. Notre histoire était triste, mais ne nous semblait pas remarquable : contrairement aux résistants, les victimes juives n’avaient pas fait le choix de  leur destin ; il avait été le choix des bourreaux.
« Nous n’avions pas choisi d’être pourchassés comme du gibier à travers toute l’Europe dans tous les pays occupés ou soumis au III° Reich. La Shoah s’est abattue sur plus d’un million et demi d’enfants. Je n’ai été confronté à cette volonté exterminatrice »

Nous n’avions pas choisi d’être pourchassés comme du gibier à travers toute l’Europe dans tous les pays occupés ou soumis au III° Reich.  La Shoah s’est abattue sur plus d’un million et demi d’enfants. Je n’ai été confronté à cette volonté exterminatrice qu’en 1943. Cette confrontation aurait pu se passer en août 1942 quand le gouvernement de Vichy avait organisé une gigantesque rafle de Juifs étrangers en zone libre où notre famille s’était réfugiée à Nice ; mais les Juifs roumains, dont nous faisions partie, n’étaient pas encore déportables ; ils ne le furent que trois semaines plus tard, mais en zone occupée et je n’eus pas à craindre une arrestation par la police française. Ce fut ma chance par rapport à la France, car la très grande majorité des enfants juifs dont les familles furent arrêtées n’ont vu que des uniformes français faire irruption  dans leurs domiciles pour y saccager leurs vies. Je suis de ceux, privilégiés, qui n’ont eu à affronter que la Gestapo et les uniformes allemands et c’est sans doute ce qui m’a permis plus tard d’entreprendre ce que j’ai pu accomplir sans cette blessure si douloureuse causée par la France et si difficile à cicatriser  même si le baume des discours de deux présidents de la République Jacques Chirac « Ce jour-là la France accomplissait l’irréparable «  et François Hollande : « Ce crime a été commis en France par la France », même si ce baume s’est révélé efficace. À Nice nous avons connu une période exceptionnellement paisible entre novembre 1942 et septembre 1943, celle de l’occupation italienne, pendant laquelle militaires et diplomates italiens ont empêché Mussolini de livrer les Juifs de leur zone d’occupation soit à la police de Vichy, soit aux Allemands. Nous avons conservé de cette période une profonde reconnaissance  pour l’humanité dont les Italiens ont fait preuve en cette circonstance en s’opposant à la volonté de Mussolini. Quand les Allemands ont envahi la zone italienne, les rafles les plus brutales de l’Europe de l’Ouest ont eu lieu à Nice, où les Allemands bloquaient les rues, contrôlaient les identités, déshabillaient les hommes suspectés d’être juifs, encerclaient les pâtés d’immeuble la nuit, inspectaient les appartements. Le 30 septembre 1943, il y aura bientôt 70 ans, c’était à la veille de la rentrée des classes, vers minuit le bruit des camions, la lumière des projecteurs. Mon père, comme tant d’autres pères juifs en Europe, avait préparé une cachette pour sa famille, une simple cloison en bois s’ouvrant par le bas  et faisant office de mur dans un profond placard ; devant, des vêtements accrochés sur une tringle.

La Gestapo a pénétré dans l’appartement mitoyen sur lequel donnait notre placard : nous entendions les pleurs des fillettes, nos camarades de jeux, frappées par les Gestapistes pour leur faire avouer où se cachait le fils ainé, les parents hurlaient. Nous savions que l’arrestation  signifiait la mort ; notre père nous avait dit quelques jours plus tôt à ma sœur de 11 ans et à moi qui venais d’avoir 8 ans : « si nous sommes arrêtés je survivrai parce que je suis fort, mais vous, vous mourrez ». Nous savions que nous devions être silencieux et ne pas bouger. Quand les Allemands ont sonné, mon père a ouvert et immédiatement ils ont demandé : « où sont votre femme et vos enfants? » ; mon père a répondu que nous étions partis à la campagne, parce que l’appartement venait d’être désinfecté ; ils n’ont pas insisté et se sont mis à fouiller l’appartement. Nous avons entendu la porte du placard s’ouvrir, les vêtements glisser sur la tringle et, par miracle, l’Allemand n’a pas touché la cloison de bois et ne s’est pas rendu compte que ce n’était pas un mur. Nous savions que nous venions d’échapper à la mort et pendant plusieurs mois nous avons rusé avec cette mort dans Nice où se succédaient les rafles et où nous errions d’hôtels en meublés et en pensions de famille jusqu’à ce que ma mère décide courageusement de revenir dans notre appartement où elle accueillerait les Allemands en cas de rafle et où nous irions, ma sœur et moi, nous réfugier dans la cachette. En février 1944 nous réussîmes à  fuir en Haute-Loire où nous ne connûmes aucune menace jusqu’à la libération. Cette nuit de la rafle est restée toute ma vie, comme pour tous les enfants juifs qui ont connu des rafles et perdu des êtres chers, une référence qui a forgé mon identité juive. Je n’en ai ni par la religion, ni par la culture : mon identité juive c’est la Shoah en arrière-plan et un indéfectible  attachement à l’État juif, à l’État d’Israël.

Je partage cette identité spécifique avec beaucoup des Fils et Filles des Déportés juifs de France qui se sont regroupés autour de moi et de Beate, mon épouse, qui n’est pas juive et qui a toujours mené son action en tant qu’Allemande, soucieuse de réhabiliter son peuple par des actes justes et difficiles. Nous avons fait juger et condamner les criminels allemands qui ont organisé la Solution finale en France ainsi que leurs complices français ; nous avons mis en lumière le rôle du Gouvernement de Vichy , complice actif des Allemands dans la persécution, l’arrestation et la livraison des Juifs pour la déportation ; nous avons écrit très précisément l’histoire de la Solution finale en France en ouvrant les archives officielles jusque-là fermées ; nous sommes, Fils et Filles des déportés juifs de France ,de véritables militants de la justice et de la mémoire unis par une communauté de destin.

Nous avons également été des enfants cachés et des enfants protégés ; nous ne l’avons pas oublié et dans notre œuvre historique nous avons été les pionniers pour faire savoir malgré les préjugés quel fut le rôle bénéfique de la population française et des Églises.

Ce fut en 1983 la conclusion de « Vichy-Auschwitz » aujourd’hui partagée par l’ensemble des historiens et de l’opinion publique.

« Les Juifs de France garderont toujours en mémoire que, si le régime de Vichy a abouti à une faillite morale et s’est déshonoré en contribuant efficacement à la perte d’un quart de la population juive de ce pays, les trois restants doivent essentiellement leur survie à la sympathie sincère de l’ensemble des Français, ainsi qu’à leur solidarité agissante à partir du moment où ils comprirent que les familles juives tombées entre les mains des Allemands étaient vouées à la mort ».

Le jour anniversaire de la libération d’Auschwitz où si peu de Juifs qui y arrivèrent furent libérés, n’est pas un jour de réjouissance pour nous vieux enfants rescapés d’un immense naufrage. Nous assumons cet anniversaire comme celui de la Shoah qui est désormais commémoré internationalement à l’échelle du monde entier parce que ce fut un évènement exceptionnel que cette tentative de meurtre collectif, tentative aux deux tiers réussie de l’extermination d’un peuple si ancien et si méritant par un peuple qui était apparemment l’un des plus avancés et des plus civilisés.

Chacune de nos mémoires individuelles de la Shoah va s’éteindre, soufflée comme une bougie par le passage du temps. Mais nous sommes assurés que la connaissance et la conscience de la Shoah qui sont notre lumière collective ne s’éteindront pas. Elles continueront à brûler et à éclairer l’histoire et les générations à venir. Mais la flamme de l’histoire et de la mémoire nécessite des phares comme Yad Vashem à Jérusalem, comme le Musée Fédéral de l’Holocauste à Washington, comme le Mémorial de Berlin et comme le Mémorial de la Shoah à Paris qui est le doyen de ces phares, puisque créé il a 70 ans en avril prochain à Grenoble dans la clandestinité, mais sous l’occupation bienveillante des Italiens.

Ces dernières années ont vu s’illuminer en France d’autres phares grâce à la Fondation pour la Mémoire  de la Shoah entre autres le CERCIL à Orléans devenu le Mémorial des Enfants du Vel d’Hiv, le Mémorial de Drancy enfin à la place où il se devait d’être, face à l’ancien camp de déportation et le Mémorial du Camp des Milles qui jouera dans la région Provence-Côte d’Azur et bien au-delà un rôle remarquable de formation citoyenne.

Ce n’est pas une coïncidence si c’est en France que se sont le plus multipliés les mémoriaux, les plaques commémorant le sort des juifs et surtout des enfants juifs déportés, les stèles rappelant la tragédie des rafles, les mémoires des déportés et des enfants cachés, les ouvrages historiques sur la Shoah ou les œuvres filmées ; c’est parce que la population française qui a succédé aujourd’hui à celle d’il y a 70 ans lui ressemble en cela qu’elle se refuse à oublier qui furent les victimes  et qui furent les bourreaux, de même que la population qui l’a précédée se refusait à participer à la persécution des Juifs et, au contraire, leur a courageusement tendu une main secourable contre la coalition anti-juive du Reich hitlérien et de l’État Français de Vichy  permettant la survie de 240 000 Juifs – ¾ des Juifs de France et en ce qui concerne les enfants à 59 000 d’entre eux d’échapper aux arrestations, tandis que 11 000 étaient déportés dans les centres d’extermination.

Le dernier des survivants de la Shoah en France sera l’un de ces 59 000 enfants préservés certes par la volonté de leurs parents et des organisations juives qui luttaient pour les sauver, mais aussi et surtout par un environnement humain ayant généralement intégré dans son comportement les valeurs morales du christianisme et de la République. 

lundi 28 janvier 2013

L'Orchestre philharmonique de Vienne se penche sur son passé nazi


Le prestigieux Orchestre philharmonique de Vienne, sous le feu de critiques quant à ses réticences à faire la lumière sur son passé nazi, a chargé trois historiens réputés d'explorer "les pages brunes" de son histoire, annonce mardi 22 janvier 2013 l'Orchestre dans un communiqué. Ces historiens étudieront "la politisation de l'orchestre sous le nazisme", "les biographies des musiciens exclus, persécutés et, éventuellement, assassinés pour des raisons racistes et politiques", ainsi que "les archives disponibles sur la nazification et la dénazification", précise l'Orchestre philharmonique.
« Ces historiens ont établi que deux très hauts dignitaires nazis, l'un en 1942, l'autre en ... 1966, avaient reçu la plus haute distinction attribuée par la prestigieuse phalange viennoise »

Trois historiens autrichiens sont chargés de faire la lumière sur les rapports entre l'Orchestre philharmonique et la dictature nazie: Oliver Rathkolb, professeur à l'Université de Vienne, qui aura la responsabilité de l'étude et qui a récemment révélé de nouveaux éléments sur l'engagement nazi du chef d'orchestre autrichien Herbert von Karajan, Fritz Trümpi, auteur en 2011 du livre "Orchestres politisés: les Orchestres philharmoniques de Vienne et de Berlin sous le national-socialisme", et Bernadette Mayrhofer, qui a étudié les cas d'exclusion et de déportation de musiciens juifs. Ces historiens ont établi que deux très hauts dignitaires nazis, l'un en 1942, l'autre en ... 1966, avaient reçu la plus haute distinction attribuée par la prestigieuse phalange viennoise, son Anneau d'honneur…

Plus d'un milliard de francs suisses restitué aux survivants de la Shoah


La totalité du fonds spécial alimenté par les grandes banques suisses et destiné aux victimes du nazisme a été reversée aux survivants, a indiqué jeudi 24 janvier 2013 le juge américain Edward Korman (photo).


« Environ 1,3 milliard de dollars ont été restitués à plus de 452000 victimes du nazisme ou à leurs descendants »

Quinze ans après l'accord global sur les avoirs en déshérence passé entre les grandes banques suisses et les survivants de la Shoah, l'ensemble du fonds spécial a été reversé. Avec les intérêts, environ 1,3 milliard de dollars (1,2 milliard de francs) ont ainsi été restitués, a indiqué le juge américain Edward Korman, à plus de 452000 victimes du nazisme ou à leurs descendants.

Crimes nazis: la Suisse savait depuis 1942
Le Conseil fédéral était au courant des assassinats de masse commis par les nazis dans les camps de concentration dès 1942. Des documents non publiés jusqu'ici le montrent. « À partir de mai 1942, on peut prouver que les informations sur les assassinats de Juifs sont arrivées jusqu'à Berne » Des documents diplomatiques ont été présentés dimanche soir au « téléjournal » de la chaîne alémanique SRF. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des diplomates suisses ont récolté des centaines de lettres, télégrammes et rapports détaillés. Ceux-ci étaient adressés au Conseil fédéral. Le gouvernement a aussi reçu des informations sur ces événements par le biais de photos, en 1942 déjà. «À partir de mai 1942, on peut prouver que les informations sur les assassinats de juifs sont arrivées jusqu'à Berne», a dit Sascha Zala, directeur des Documents diplomatiques suisses (DDS), dans le sujet présenté à la télévision. Renvois en masse Ces documents non encore publiés avaient été remis au conseiller fédéral Eduard von Steiger, qui dirigeait alors le Département fédéral de justice et police. Malgré les rapports de ses diplomates, le Conseil fédéral avait décidé, en août 1942, que des renvois en masse de réfugiés étrangers civils devaient avoir lieu, même s'ils pouvaient mettre leur vie en danger. «Parallèlement à l'évolution de la situation internationale, la Suisse a durci sa politique d'asile», a dit l'historien Sascha Zala. Au début, cette politique était insérée dans un discours évoquant des réfugiés économiques, avant d'intégrer de plus en plus des éléments clairement racistes, a-t-il ajouté. Quelques-uns de ses documents diplomatiques sont maintenant aussi publiés sur Internet.
Commémorer la Shoah, ce n'est pas seulement honorer les victimes
Des survivants de la Shoah, des politiciens et des jeunes se sont souvenus, dimanche, de la libération du camp d'extermination voici 68 ans. "Auschwitz est le lieu le plus terrible de l'histoire", a souligné l'ambassadeur israélien en Pologne, Zvi Raf-Ner. « Auschwitz-Birkenau est l'avertissement le plus monstrueux à toutes les générations » Il a appelé les gens à souvenir des victimes du nazisme, mais aussi aux personnes qui ont sauvé des Juifs, souvent au péril de leur vie. Le camp d'extermination d'"Auschwitz-Birkenau est l'avertissement le plus monstrueux à toutes les générations", a déclaré le président de la Douma (chambre basse du parlement russe), Sergueï Naryschkin. La mémoire de ce sacrifice est "sacrée", a-t-il ajouté. Un requiem pour Auschwitz joué par des musiciens roms à Cracovie Le « Requiem pour Auschwitz », écrit par le compositeur Roger Moreno Rathgeb, tsigane sinti, a été joué dimanche soir à la Philharmonie de Cracovie par des musiciens roms venus de plusieurs pays européens à l’occasion du 68e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. « C’est un miracle que nous ayons réussi à rassembler tous ces musiciens. Ils sont venus d’Allemagne, de Hongrie, de Roumanie, de Slovaquie et de République tchèque pour jouer ce Requiem », a déclaré Marcel Tsas, organisateur de cette tournée qui a mené les musiciens notamment à Budapest et à Prague et qui s’achèvera mardi à Berlin.
Belgique : les valeurs de la tolérance au centre de la journée en mémoire des victimes de la Shoah
Le prince Philippe a assisté dimanche soir à une cérémonie organisée à la grande synagogue à Bruxelles, dimanche 27 janvier 2013, à l'occasion de la journée internationale en mémoire des victimes de la Shoah. « Commémorer la Shoah, ce n'est pas seulement honorer les victimes » Le prince héritier a allumé une des six bougies symbolisant les six millions de victimes de la Shoah. "Commémorer la Shoah, ce n'est pas seulement honorer les victimes", a affirmé le président de la communauté israélite de Bruxelles, Philippe Markiewicz. "C'est aussi protéger les générations actuelles et futures contre toutes les formes d'extrémisme. Nos enfants doivent connaître l'histoire afin de pouvoir reconnaître les dangers du racisme et de l'intolérance", a-t-il ajouté. L'ambassadeur honoraire Jan Deboutte, président de l'"International Task Force" (le groupe de travail de la mémoire de la Shoah) a abondé dans ce sens. "Nous sommes obligés d'expliquer aux survivants les mécanismes qui ont conduit à la Shoah. Nous devons raconter l'histoire des victimes, de sorte que nos enfants ne soient pas insensibles au racisme, à l'antisémitisme et à l'intolérance", a-t-il dit. Cette mission est encore plus importante aujourd'hui", a pour sa part déclaré le président du Consistoire israélite de Belgique, le baron Julien Kleiner. "Nous vivons à nouveau dans une société avec de fortes différences sociales, dans une situation économique très difficile, une situation qui est également un terreau pour l'extrémisme", a-t-il dit souligné. Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de maintenir vivant le souvenir de la Shoah et d'inculquer aux générations futures les valeurs de la tolérance.
DÉCLARATIONS A L'OCCASION DE LA JOURNÉE DU 27 JANVIER
Obama a promis d'agir « contre tout dictateur responsable de crimes contre l'humanité ». Il a rendu hommage dans un communiqué à la « mémoire des six millions de Juifs et des millions d'autres victimes innocentes qui ont tragiquement perdu la vie il y a plus de 60 ans ». Il a également plaidé pour que cette Journée du souvenir soit aussi celle de « l'action ». « La mémoire de cette tragédie immense, qui frappa si durement et surtout le peuple juif, doit représenter pour tous un avertissement constant » Catherine Ashton a rendu hommage aux survivants de la Shoah "qui nous rappelle cette tragédie que nous ne devons jamais oublier", dans un communiqué publié dimanche 27 janvier sur la Journée internationale de commémoration de l'Holocauste. «Nous rendons hommage à chacun des six millions qui ont été sauvagement assassinés dans cette période la plus sombre de l'histoire européenne. Je tiens aussi à rendre un hommage particulier aux survivants, qui nous rappellent cette tragédie que nous ne devons jamais oublier », a-t-elle écrit. Le Pape a lancé un appel à dépasser toute forme de haine et de racisme en faveur du respect et de la dignité de chaque personne humaine. « La mémoire de cette tragédie immense, qui frappa si durement et surtout le peuple juif, doit représenter pour tous un avertissement constant afin que ne se répètent pas les horreurs du passé, que l’on parvienne à dépasser toute forme de haine et de racisme, et que soient promus le respect et la dignité de la personne humaine ». Inauguration d'un Mémorial de la Shoah en Italie Une cérémonie d’inauguration d'un Mémorial de la Shoah a eu lieu en Italie. La cérémonie s’est tenue sur le quai 21 de la gare centrale de Milan qui est devenu un symbole de la déportation des Juifs dans le pays. Sur les 605 personnes qui furent déportées ce 30 janvier 1944, seules 22 personnes sont revenues vivantes. Le quai 21 sera désormais un lieu de mémoire, de souvenir, d’études, de documentation et d’avertissement pour le futur. La cérémonie a eu lieu en présence des autorités milanaises, de nombreuses personnalités de la communauté juive du Grand Rabbin Alfonso Arbib et de l’archevêque de Milan, le cardinal Angelo Scola.

mercredi 16 janvier 2013

Le plus jeune survivant de la liste de Schindler est mort

«Je ne vis pas dans l'ombre de l’Holocauste. Je ne donne pas à mes enfants un héritage de peur. Je leur donne un héritage de liberté.» Leon Leyson, le plus jeune survivant de la liste de Schindler, est mort samedi 12 janvier, révèle le Los Angeles Times. Agé de 83 ans, il se battait depuis quatre ans contre un lymphome. Il vivait à Los Angeles, où il enseignait au collège de Huntington Park depuis 39 ans. Leon Leyson fait partie des 1.100 Juifs sauvés par Oskar Schindler lors de la Seconde Guerre mondiale. Inscrits sur les listes d'employés de Schindler, ils échappèrent à la déportation en travaillant dans son usine d'armement. L'industriel allemand, membre du Parti nazi, ira jusqu'au camp d'Auschwitz pour sauver certains de ses employés. Son histoire est raconté dans un livre de Thomas Keneally, La Liste de Schindler, et dans le film éponyme de Steven Spielberg. Leon Leyson est le plus jeune des juifs sauvés par Schindler. Né le 15 septembre 1929 en Pologne, il est le cinquième enfant d'un ouvrier d'usine, raconte le Los Angeles Times. Il a dix ans lorsque l'Allemagne nazie envahit la Pologne. Six mois plus tard, les Leyson sont emprisonnés, avec des milliers d'autres personnes, dans le ghetto de Cracovie. Deux de ses frères, Hershel et Tsalig, sont assassinés par les nazis. Tsalig aurait pu être sauvé par Oskar Schindler, explique le Los Angeles Times. Emprisonné dans un train en partance pour un camp de concentration, il est reconnu par l'Allemand qui tente de l'emmener avec lui. Mais Tsalig refuse de partir sans sa petite amie, qui n'est pas sur la liste des employés de Schindler. «Leon ne pouvait jamais parler de cette partie douloureuse de son histoire sans craquer», raconte William Elperin, président du Club de 1939, une organisation de survivants et descendants de survivants de l'Holocauste. Le père et la mère de Leon sont également sauvés par Schindler. Ils constituent l'une des rares familles qui travaillent dans l'usine d'armement. «Nous avons survécu parce que nous étions sur la liste de Schindler», affirme Leon Leyson lors d'une interview à NBC4. Jusqu'à la fin de sa vie, Oskar Schindler, à qui est décerné le titre de Juste parmi les Nations en 1963, continue de prendre des nouvelles des hommes et des femmes qu'il sauva. En 1974, Leon Leyson revoit Schindler. Alors qu'il s’apprête à se présenter, raconte The Los Angeles Times, Schindler l’interrompt. C'est inutile: «Je sais qui tu es. Tu es le petit Leyson.»